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 art de la langue et du silence

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MessageSujet: art de la langue et du silence   art de la langue et du silence Icon_minitimeDim 15 Déc - 10:22




Nikita



feat. Numa


Nikita avait toujours eu un gout prononcé pour les arts et les lettres. Si on le lui avait permis il y aurait volontiers dédié sa vie. Il se plaisait souvent à imaginer son futur sans la mafia russe pour lui couper l’herbe sous le pied. À redessiner les contours de sa vie, recréer les esquisses des débuts et changer les ratés pour les transformer en chef d’oeuvre. Tel un artiste remuant les doigts pour créer. Sans son frère pour lui faire prendre cette décision, sans la situation difficile de sa mère. Il aurait été le fils unique d’un riche politicien toujours trop occupé pour le voir. Un enfant solitaire mais surdoué, capable de prouesses insoupçonnées. Peut-être aurait-il aimé sa mère. Oui, en fait il n’aurait eu d’yeux que pour elle. Ses récitals auraient été loués et sa voix admirée, on aurait écouté sa musique avec la boule au ventre, on aurait été ému aux larmes des sons qu’il aurait été capable de produire. Mais tout ce qui aurait compté pour lui ça aurait été de voir ses sourires. Un peu comme dans cette vie à la différence qu' il ne serait jamais capable d’appréhender toutes les saveurs toutes les nuances de ses savoirs faire délicats. Il ne resterait jamais qu’un novice dont le seul talent serait de servir les Raws. Rien de miroitant, rien de chatoyant qui ne mérite une attention marquée. Parce que son existence ne résidait qu’en ce sens.

Une oreille entrainée pouvait discerner chaque variation de corde, un érudit capable de comprendre la saveur des mots. Mais où avait-elle eu sa place dans la citée de Pravoch ? Son goût pour les choses raffinées c'était resté son petit secret. Pas même sa mère ne l’avait su et si elle avait su elle ne l’avait jamais dit. Il lui arrivait couramment de s'enfermer, pour écouter seul ces délicates partitions.. Quant aux peintures ? Il s'arrangeait toujours pour être seul au moment d'aller visiter un musée car il n'appréciait pas  qu'on lève le voile d'ombre qui planait sur son visage.

Probablement se sentait-il stigmatisé par le milieu duquel il avait évolué. Être un enfant pauvre et aimer la musique classique ? Hérésie. Blasphème. Quel autre de ses hommes s’en serait servit pour le discréditer. On lui aurait rit au nez. Mieux valait qu’il taise ce secret jusque dans sa tombe. Nikita n’était pas capable de le partager. Lui l'enfant des cités qui avait grandit dans les feux de déchets pour qui l'éducation fut une véritable peine, un ennui de tous les instants. Il s'était surpris à apprécier la saveur raffinée d'une littérature délicate, d'une dictée chantée et d'une musique appartenant à d'autres siècles. Il y a des années de cela déjà.

Or sa vie était parsemée de violence. Elle parvenait même à s’immiscer entre ces moments volés à la réalité. Une réalité brusquement ramenée par l’image de cette main qui venait de s’abattre contre la joue d’une créature acculée. Ça c’était passé sur le chemin du musée, menant à l’entrée. Un vent de raillerie, un groupuscule. Il avait entendu des éclats de voix, et avait reporté son visage vers les silhouettes rassemblées autour d’un arbre, refermées sur une autre à peine visible. Paniquée. Son parfum lui parvint au nez. Teint de détresse. Et quelle sensibilité endormit cela réveilla.

Ses yeux scrutèrent la scène. Il se vit à la place du jeune homme contre le tronc quelques années plus tôt. Un souvenir suffisamment désagréable pour miner ses humeurs. C’était un jour de repos et on venait briser ses songes. Nikita n’avait pas demandé à voir ça et cette vision toute banale lui irrita la pupille. Dans son silence il dévia du chemin pour approcher jusque la première silhouette des trois dont la main se levait pour l’attraper, du haut de sa stature tout à coup bien plus imposante qu’elle en avait l’air. Son regard pâle tomba nez à nez avec deux billes étonnées. Le russe n’attendit pas de réponse, il attrapa la nuque du concerné, lui faucha la jambe dan sle creux du genoux. La seconde d’après il vint cogner dans sa tête sans la moindre peine. Les deux autres eurent alors le loisir de réagir à leur guise mais déjà la gueule d’ange s’interposait entre eux et l’inconnu du tronc.

— Partez avant que ça se termine en scandale.

Nikita sortit de sa poche une lame, celle-ci même avec laquelle il était si doué. S’il n’avait l’intentionn de l’utiliser il espérait en revanche qu’il serait suffisamment persuasif pour les faire partir.

Radical ? Oui probablement.



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MessageSujet: Re: art de la langue et du silence   art de la langue et du silence Icon_minitimeDim 15 Déc - 10:23

Apparemment sa gueule n'avait pas suffit à dissuader les intriguant. Cela ne le surprit pas tant, celui-ci ne faisait pas exception à tous ces hommes qui l'avaient sous-estimé auparavant. Si seulement ils avaient une once d'originalité entre leurs insultes, leurs gestes et le reste. Il ne laissa pas le temps au merdeux d'en placer une, pendant que le plus gros lui faisait face à lui cracher ces insultes. Au lieu de gaspiller sa salive il aurait mieux fait de frapper le premier car le poing du blond ne le laissa pas terminer sa phrase qu'il vrilla en pleins dans son foie, chercher la chair molle de ses organes internes. Les points vitaux étaient ses milieux de prédilection car pour toucher sa cible vous n'aviez pas besoin d'avoir une carrure imposante pour frapper fort et frapper bien. La seconde d'après le voilà qui déjà ravalait ses paroles car trop occupé à serrer les dents, plié contre le sol. Nikita le regarda devenir frambroise. Son acolyte répliqua la seconde d'après pour venir défendre sa trainée de pote.

— Espèce de crevard je vais te niquer ta petite gueule!

Apparemment il était aussi futé que son comparse. Nikita ne chercha pas à esquiver la frappe qui lui vrilla la joue. Il détourna la tête sous l'effet de l'élan, ressentit une douleur lourde contre sa mâchoire mais pas au point d'être assommé. Il pencha la tête, se massa la joue puis lui lança un regard noir.

— C'est pas comme ça que tu vas y arriver.

D'un geste il rangea sa lame dans la poche de son jean avant de voir par dessus l'épaule de son vis-à-vis la silhouette du rouquin coincé un peu plus tôt contre l'arbre, ce dernier avait profité d'un espace pour fuir mais s'était paralysé au bord de la route. Seulement l'inattention du blond pour son adversaire lui donna l'occasion de répliquer et ce dernier lui assena un coup dans les côtes. Nikita étouffa un son de gorge grave les yeux crispés entre ses cils avant de se précipiter sur son opposant pour le repousser violemment. Il profita de son déséquilibre pour lui faucher la jambe et le faire basculer en arrière malgré ses tentatives de l'agripper dans sa chute.Il allait lui montrer comment faire pour envoyer quelqu'un dans les roses. Nikita le trouva pathétique, tellement pathétique. Il écrasa son poing contre sa tempe toujours dans ces chairs molles pour lui faire sentir son coup d'éclat. La chose faite Nik secoua son poing. L'air de rien il s'était fait mal au passage mais croire que jouer les hommes les rendaient plus fort... Il se pencha pour ramasser les gélules tombées au sol unes à unes et les remettre dans leur flacon puis redressa l'échine dans un sifflement de douleur entre ses dents. Il fixa le dernier des trois dont le nez pissait le sang.

— Pars sauf si tu veux finir comme tes amis maintenant.

Ce dernier ne se le fit pas dire deux fois et se hâta de partir tandis que le dernier soulevait l'inconscient pour le trainer plus loin. Nikita lui se retrouva face au rouquin, désemparé. Il avait l'air toujours aussi paniqué, sonné par ce qui venait d'arriver et sans doute pas normal. Le Russe sentit une pointe de peine à sa vue. Quelque chose d'étrange et silencieux même si ses lèvres tirèrent un sourire. Il lui tendit le flacon du bout des doigts.

— … Tiens tu as perdu ça.

Il ne savait pas si le roux ferait attention à lui, s'il se déciderait à le regarder en face mais son sourire du moins chaleureux pourrait peut-être le rassurer s'il ne regardait pas la violence dont il avait usé deux minutes encore avant.

Nikita ne savait pas qui il était, mais il était persuadé que ce n'était pas une personne qui fonctionnait comme les autres. Ou alors il était en pleine crise, peut-être de panique ?

— Il fait trop beau aujourd'hui pour réfléchir à ce qui vient d'arriver. Tu es seul ?

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MessageSujet: Re: art de la langue et du silence   art de la langue et du silence Icon_minitimeDim 15 Déc - 10:23

Même après plusieurs secondes, Numa sentait encore la présence hasardeuse de l’autre sur son cuir chevelu. Et pendant ce temps, la brûlure s’étendait, d’abord homogène. Puis, il se rendit que chaque cheveu sur son crâne l’étirait, la poigne du voyou restait fermement enraciné. Sa peau palpitait. Il gardait les mains au-dessus de la tête, sans parvenir à freiner les tremblements excessifs ; dans une telle situation de stress, il lui arrivait que sa tête se mette aussi à trembler, par moment. Il ferma les yeux, sans bouger, en essayant de couper au moins les stimulations visuelles. Puis, il se rappela du pigeon qui s’était envolé avec une gélule. Numa tourna toute son attention là-dessus. Il offrait une scène singulière aux passants, qui observaient le jeune homme blond se battre, tandis que le rouquin ne bougeait pas d’un cheveu. Il avait envie d’être violent, et de se mettre à crier jusqu’à tomber d’épuisement au sol. Il ricanait, à cause de la douleur ; il ne se contrôlait pas vraiment.

Vingt-huit. Pigeons. Il prenait sans doute la gélule pour un lombric, ou un machin du genre, il risquait d’empoisonner les bébés. Numa se concentra sur ça, et il s’angoissa davantage pour le pigeon que pour l’agression qu’il venait de subir. Il n’écoutait pas, ou du reste, la voix de l’inconnu se faisait avaler par le bruit ambiant. Impossible de discerner sa voix du klaxon des voitures, des discussions autour, des sonnettes des vélos. Numa ne le voyait tout simplement pas, et il n’était pas concentré. Le pigeon. Il l’avait vu volé au-dessus d'un immeuble, avec un peu de chance, il pouvait le rencontrer. Traverser la route. Vite. Vite. Retrouver le pigeon.

Sans rien dire. Il fait trop beau aujourd'hui pour penser à ce qu'il vient de se passer. Seul. Sans rien dire. Il fait trop beau aujourd'hui pour penser à ce qu'il vient de se passer. Seul. Le pigeon. Seul. Oh. Ce n'était pas ses anxiolytiques ? Dans quinze minutes, les bébés allaient s'agiter, puis s'endormir, avant de sombrer dans le coma.

Numa traversa la rue, vers le musée, mais pour l'instant, ce qu'il renfermait à l'intérieur ne l'intéressait pas. Alors qu'il avait besoin de suivre scrupuleusement les règles, cette fois-ci, il n'avait pas fait attention. Une voiture s'arrêta à moins de dix centimètres de lui, le klaxon lui fracassa la tempe. Toutefois, ça ne l'arrêta pas. Une nouvelle idée obsessionnelle lui prenait toute son énergie. Il avait laissé ses affaires au sol, près de l'inconnu aux cheveux blonds, sans s'en soucier. Non. L'important, c'était l'oiseau. Il courait, et il détestait ça. Sentir l'air dans ses poumons, les pénétrer comme des lames, le vent dans ses cheveux qui ravivait la douleur, les gens qui le regardaient. Et que pensaient-ils ?

Numa les bouscula, sans trop s'inquiéter. Des ailes grises, avec une tache sur la gauche, un bout de patte abîmée.

Il était là.

Derrière le musée, Numa crut reconnaître le pigeon qui l'obsédait autant. Il se tétanisa d'un coup, vite, vite. Il pensait voir la gélule, distinctement dans le rayon de soleil, traversant le feuillage de l'arbre. L'espace de quelques secondes, la course effrénée de ses pensées s'arrêta. Il resta stupide, tandis qu'il voyait le pigeon se baisser vers l'un de ses petits. Et d'un coup, il se jeta sur marron, en repoussant une dame d'une cinquantaine d'années en train de promener son chien. Il attrapa un marron ; il releva les yeux sur les pigeons. Avant que la maman ou le papa ne donne la gélule-lombric, Numa lança le marron. Il percuta la branche au-dessus, mais ne toucha aucun oiseau. De peur, la maman ou le papa pigeon s'envola en laissant tomber la gélule-lombric. Elle dégringola de branche en branche, avant de tomber dans l'excrément du chien. Et lui, en voulant s'assurer que c'était bien le pigeon qu'il avait vu voler une gélule d'anxiolytique, plongea la main dedans. La texture était chaude, collante, et puante. Le chien aboya dessus, tandis que la dame se mit à hurler qu'il était totalement décérébré. Pendant ce temps, les gens riaient de malaise, ou commentaient ses exploits, pendant qu'il fouillait. Quand il retrouva la gélule, et qu'il regarda, Numa se laissa tomber en arrière, sur les fesses. Ses mains tremblaient, il en avait jusque sous les ongles, mais il constatait que c'était bel et bien elle.

« C'est votre frère ? Vous devriez le faire interner ! »

Gronda la dame au petit chien, au jeune homme qui l'avait suivi.
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MessageSujet: Re: art de la langue et du silence   art de la langue et du silence Icon_minitimeDim 15 Déc - 10:23

Le blond vit le rouquin se détourner sans surprise. Il ne lui avait pas accordé plus d'attention, occupé à poursuivre une chose qu'il était le seul à voir. Nik affaissa ses épaules le flacon resté entre ses doigts. Il ne chercherait pas à savoir ce qui traversait les pensées de cet inconnu mais il attendrait qu'il ai terminé pour lui rendre ses affaires.

Il ne savait pas pourquoi il restait planté là pour un visage qu'il ne connaissait pas, tout ça parce qu'il voyait sous ses traits l'image de Lev quelques années plus tôt. Six ans en arrière depuis son départ. Perdu dans un espace temps figé et un passé qui avait appartenu a un autre que lui. Il n'avait plus eu de nouvelles, n'avait jamais pu savoir s'il était resté figé dans son lit ou s'il s'était rétabli. Une ignorance qui lui permettait de rêver sa vie, et d'atténuer la réalité de la sienne car sa mère continuait de recevoir tous les mois un virement depuis l'un de ses comptes offshore. Sous les allures d'une vie modeste, Nikita avait économisé tellement d'argent que ses comptes étaient bien renfloués, tenus par un notaire qui les préservait. Loin des Squalls, loin des Raws et de n'importe quelle autre personne.

Un soupir échappa à ses lèvres et il ressentit tout à coup le besoin de se griller une cigarette. Il en coinça le mégot entre ses lippes charnues, ferma les yeux avant d'entendre un cri et d'être rappelé à lui. Le roux. Encore lui. Putain. Il rouvrit ses paupières et s'élança en avant pour le suivre parce qu'il le voyait détaler.

Faisait chier de se sentir forcé d'être bon, forcé de devoir faire attention à n'importe qui sous prétexte que ça lui rappelait son frère quand bien même ils n'avaient rien en commun sinon que la notion d'ailleurs et d'évasion. Nikita s'était demandé souvent ou était l'esprit de Lev quand son corps prenait racines dans cette chambre d'hôpital. A l'instant il se demandait exactement la même chose avec cet inconnu. Si il avait eu un frère pour lui tenir la main quand il n'avait eu personne.

Putain ça faisait vraiment chier. Ses paupières se crispèrent et ses pas s'accélèrent pour suivre la démarche pressée de l'autre pour ne pas le perdre de vue. Il était comme possédé, à délirer et voir des choses que son esprit lui donnaient de voir, loin du commun des mortels. Désarticulé tel une poupée de chair douée de volonté propre, bien au delà d'une simple volonté. Nik tira sur sa cigarette, le surveilla de plus belle incapable d'être inspiré d'une quelconque peur ou d'un rejet à l'instar des gens qui posaient les yeux sur lui. Des yeux pleins de jugement qui riaient de ses simagrées.

Puis il sembla que la situation atteignit le fond quand il le retrouva accroupit au sol, non le cul par terre et les doigts pleins de merde. Nik' se figea sur place, les lèvres refermées sur son mégot encore fumant. Il venait pas de le faire quand même hein ? De mettre ses doigts dans des excréments de chien ? Chien qui au passage ne cessait d'aboyer ! Et puis maintenant cette vieille femme qui criait ses horreurs par dessus le marché. Elle eut même le malheur de lui parler et Nikita tourna le visage vers elle lorsqu'elle demanda s'il s'agissait de son frère.

- Da c'est mon frère, il y peut rien d'accord ? Si ça vous plait pas la prochaine fois ramassez la crotte à votre sac à merde c'est un espace public Madame.

Son ton devint cassant sur la fin trahissant un accent russe tiré, par le dépit de l'instant car il ne trouvait rien de drôle à tout ça, certainement pas aux regards amusés qu'on leur lançait.
La vieille étouffa un son offusqué.
- Faut vous faire soigner mon vieux lui et vous d'ailleurs! Jamais on ne parlait comme ça de mon temps!

Nikita serra ses poings, rongea son frein, agacé par l'odeur de merde qui lui parvenait au nez et la bonne femme qui tentait encore de l'enfoncer. Il approcha du roux sans pouvoir le toucher néanmoins, incapable de cacher son expression révulsée.

- Eh, tu m'entends ? Viens il faut que tu ailles te laver les mains, tu peux pas rester ici... Les gens se moquent et tu peux pas empester comme ça... et pis écarte toi un peu de ça tu veux ?

Il tenta de le rappeler à l'ordre d'une voix insistante mais pas trop forte tenant un bon mètre de distance entre eux, mal à l'aise.

On les montrait du doigt.
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MessageSujet: Re: art de la langue et du silence   art de la langue et du silence Icon_minitimeDim 15 Déc - 10:23

Il savait qu'on le regardait. Il le savait très bien, et pourtant, ce n'était pas important. Les moqueries, les jugements, les réflexions hasardeuses, il en était tellement usé, que ça n'avait pas plus de valeur que le murmure du vent dans les feuilles des arbres. Il tenait la gélule entre son index et son pouce, sa main tremblait, mais une forme de sérénité l'accabla. S'il avait vu le pigeon la donner à ses petits, s'il les avait vu tomber du nid en train de convulser, il se serait senti tellement mal. De toute façon, les remarques, la voix de la vieille dame en train de piailler sur le jeune homme blond se noyaient dans le bruit de fond qu'était la vie. Il conservait son visage inexpressif, ses yeux étaient vides, toutefois, son cerveau souriait.

« Maman, pourquoi il fait ça le monsieur ?
— Chut... il va t'entendre. »

Non. Pas vraiment. A vrai dire, il s'en foutait.

Numa se releva, soulagé d'avoir échappé à la catastrophe. Parmi les passants qui s'étaient arrêtés, afin d'observer la scène, certains disaient qu'il devait avoir un gros problème pour jeter des marrons aux pigeons, et pour mettre sa main dans la merde. D'autres ajoutaient qu'on l'avait bercé trop près du mur, et qu'une meilleure éducation n'aurait jamais construit un tel « cas ». Numa réfléchissait, surtout, il n'aimait pas la texture qui recouvrait ses mains ; elle était en train de refroidir. Il se contenta d'aller jeter la gélule dans une poubelle, en la faisant tomber tout au fond ; aucun risque qu'un animal se tue avec ça.

Les gens se moquent. Les gens se moquent. Et alors ?

Numa était en train de frotter ses doigts recouverts d'excrément, les uns contre les autres. Oui, ça puait, mais c'était moins pire que le parfum de la vieille femme, qui empestait l'humidité et la croûte. Ses mains tremblaient, mais déjà moins que quelques minutes plus tôt. Il jeta un coup d'oeil au jeune homme blond qui lui parlait, il remarqua qu'il avait ses affaires. Il pensa « mais c'est à moi », sans lâcher un mot. Il se contenta de l'examiner de trois quarts, en évitant ses yeux. Pourtant, ça ne l'empêcha pas de détailler chaque partie de son visage ; ses cils, ses cheveux, sa bouche. Il ne l'écoutait pas trop, mais cette fois-ci, parce qu'il se concentrait sur sa tenue. Il était beau. Le genre de gamin que sa mère aurait aimé avoir à la place de Numa. La vieille dame au chien cracha qu'ils méritaient la prison. Numa sortit de sa bulle, il se contenta de bégayer quelque chose comme :

« Il... il... il... est... in-in-in-in-ter...dit... de... de... lai...lai...lai...sser les... cro-cro-crottes... de... chiens dans... dans...d-d-d-dans... un espace... pu-pu-pu-public... faut... faut... ram...ram...ramasser... sinon... c'est une a-a-a-a-amende... d...de... soix... soix... soixan... soixantes dix... neu... neuf... et... soi... soi... soi...xante... quatre d-d-d-d-d-dollars... »

Quelqu'un commenta « oh, il sait parler ? » comme s'il s'agissait d'un singe savant. Numa ferma les yeux. Il ne comprenait pas pourquoi, on critiquait autant son honnêteté, pourquoi on ne comprenait pas qu'il venait de sauver des pigeons de la mort, et que s'il avait mis la main dans la crotte, c'était pour éviter qu'un autre animal ne se tue avec ses anxiolytiques. Pourquoi la gentillesse et la sincérité étaient mal vues, alors que des vieilles petites fripes ne respectaient pas les règles ? Il capta un jeune homme, avec sa copine, en train de ricaner en le pointant du doigt. Par naïveté, et dans sa vaine volonté de paraître sociale, il leva la main vers lui pour faire signe. Un éclat de rire de la part du couple, et lui qui sourit en pensant qu'il faisait la bonne chose.

« Je ne vous permets pas, sale dégénéré ! Votre mère aurait dû avorter en sachant ce que vous alliez devenir !
— Elle... elle... sa... sa... savait pas... quand... quand... elle était... en...en...en...ceinte. »

Une sincérité à toute épreuve, qui ne voyait pas le mal, même dans les propos les plus violents. De toute façon, Numa avait retenu que les personnes âgées étaient naturellement méchantes, elles en voulaient aux plus jeunes leur vigueur, et leur nonchalance. Et puis, ce n'était pas la première fois qu'il entendait ça. Sa mère elle-même avait reconnu qu'elle aurait dû avorter.

« T...t...t...tu... peux... peux... peux... pas... être... mon frè-frè-frère. »

Il n'était pas roux. Ce qui lui paraissait assez évident. Par ailleurs, sa main empestait toujours, mais ce n'était pas sa priorité.

« T-t-t-t'es... trop... be...be...beau pour... l'être... et... et... per-per-per-sonne... d-d-d-dans... ma... ma... fa-fa-fa...mille... fait... du por-por-porno. »
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MessageSujet: Re: art de la langue et du silence   art de la langue et du silence Icon_minitimeDim 15 Déc - 10:24

Comment une journée qui ne devait être dédiée qu'а la réfléxion et au plaisir avait pu tourner pour qu'il se retrouve devant le jeune homme les doigts pleins de merde et une vieille Matrouchka incapable de la boucler ? Avec cette odeur nauséabonde qui lui soulevait le coeur, recouverte par la clope qu'il grillait. Nikita plissa son front de déplaisir. Le jeune agitait encore ses doigts, entrain de se les frotter comme si ça aurait pu le débarrasser de la texture qui s’étalait toujours plus.

Entre les regards répugnés, les murmures acérés, les rires déployés et les phalanges odorantes du jeune homme Nikita se remémora de sombres souvenirs. Le roux ouvrit la bouche et détourna par la même son attention... Plus par le fait qu'il bégayait que par l'expression de ses mots, freinés et entrecoupés d’une hésitation qui bousculait ses phrases contre ses lèvres sèches. Le Russe jeta sa cigarette d’un coup de doigt, tentant de comprendre ce qu’il tentait de dire, mais sa compréhension limitée pour l’anglais et ces mots saccadés ne lui facilitaient pas la tâche. Le Russe se sentait agressé. Si le roux n’y prêtait pas attention lui en revanche sentait de désagréables images remonter à la surface. Ses yeux tiquèrent et il se tendit imperceptiblement.

Que ses remarques ne le concernent pas ne le touchait pas, mais qu’il soit en plein coeur de cette histoire réveillait des plaies qu’il aurait mieux aimé oublier. Avec son faciès de bambin, personne ne lui avait jamais causé de tord aussi ouvertement. Du moins pas dans ce sens car il y avait bien des formes de harcèlement. Les remarques cassantes, les rabaissements il avait connu et il pouvait reconnaître des langues venimeuses quand elles crachaient leur venin. Plus encore devant quelqu’un qui ne ressemblait pas à la norme. Bègue malingre ou beau gosse à bouche de suceuse ça revenait dans le fond au même. Nika ferma les yeux, roula sa langue entre ses lèvres plusieurs fois pour contenir le dégoût qui baignait sa bouche. Il se remémora le passé, quelques années plus tôt et aujourd’hui encore. Raws, proches et inconnus se confondaient tous sans exception. Aleksei, Ana’ sans le vouloir, et tant d'autres ne l’avait épargné.

« T’aimes pas sucer dis moi ? Parce qu’avec une bouche pareille ça doit être tellement bon » « Fils à papa j’suis sur que tu sais pas ce que c’est la pauvreté. ! » « Retourne dans les jupons de ta mère » et tant d'autres. Et le roux qui répondait avec un naturel déconcertant comme si leurs phrases avaient besoin d'être corrigées, trop sincère ou juste pointilleux. Il avait bien essayé de l'aider mais ce dernier n'y mettait pas du sien quand il le prétendit son frère. C'était sans compter sur lui pour nier qu'il l'entendit prétendre le contraire et pire, évoquer quelque chose de bien plus compromettant encore.

Nikita se figea, tourna le visage vers lui au moment même ou le mot "porno" tomba à ses oreilles. Qu'est-ce qu'il venait de dire ? Comment savait-il cela ? Ou plutôt ou avait-il cherché cette info ? Il en avait bien fait mais il doutait fortement que les vidéos le montrant soient courantes sur internet, а moins qu'Aleksei les ai mises en évidence en quel cas il devrait lui en toucher deux mots. Nikita n'avait tourné que pour les besoins des missions nécessaires de dernière minutes mais pas pour le grand public. Ou l'inconnu ne le savait-il pas et avait simplement cherché à lui faire ressentir de la honte ? Nikita referma ses lèvres en resserrant ses doigts, tâchant de préserver un minimum de tenue bien que son esprit continuait а chercher comment un parfait inconnu aurait pu savoir pour ses vidéos.

- Tu dois te tromper répondit-il d'un ton plus sec.

Il n'allait pas aborder la question ici mais son esprit resté figé dessus. Au point d'en avoir oublié la vieille repartie entre temps.

- Il faut te laver les mains, que tu ailles aux toilettes maintenant. Et puis on nous a assez regardé, tout le monde se fiche de notre gueule mais c'est pas drôle.

Il lui montra le sac d'affaires qu'il tenait toujours.

- Allons nous en ? Je te rend dès que tu as lavé tes mains.
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MessageSujet: Re: art de la langue et du silence   art de la langue et du silence Icon_minitimeDim 15 Déc - 10:24

Se tromper ? Peut-être. Il se souvenait peu des visages, il s'accrochait souvent à des détails. Mais les gens passaient dans sa vie, sans se retourner, comme des ombres, avant de disparaître dans l'oublie. S'il n'avait pas fait autour d'efforts, il aurait fini par effacer naturellement de sa mémoire la figure de sa propre mère ; Miss Carolyne était une façon de la garder. Si Edwin ne l'avait pas fait autant de mal, il l'aurait oublié aussi. Cet homme lui avait tout volé. Son corps, ses premiers émois, sa sexualité ; si bien que Numa était persuadé que les relations amoureuses, et charnelles, n'étaient pas pour lui. C'était interdit. Au même titre que se masturber en public — on lui avait dit de le faire pour montrer ses sentiments à une fille lors de ses douze ans — l'était, au même titre que se toucher tout court. Alors peut-être qu'il se trompait, et que le visage du jeune homme blond ressemblait aux cent autres visages de gamins soumis qu'il avait étudiés dans les films pornographiques. Ou peut-être pas. Un détail. Qui revenait. Qui revenait. Et qui revenait.

La vieille dame avait rejoint les passants, comme s'ils formaient une ligne difficile à franchir : un autre monde, celui de la normalité. Numa les observait, cherchant à savoir comment pouvait-il faire lui aussi pour faire partie de la masse. Ça devait être extraordinaire, non ? Sentir tout ce qui composait son individualité se faire happer par une conscience collective. Disparaître, en quelque sorte.

Disparaître tout court.

Ah oui. Se laver les mains. Numa ne s'en préocupait pas pour l'instant, si le jeune homme face à lui était écoeuré, ce n'était pas son affaire. Les oiseaux. Et rappeler les bonnes manières à la petite vieille qui continuait de le pointer du doigt, grondant qu'il devait être con pour lancer des cailloux sur les oiseaux, et fouiller la merde de chien. Au final, les mots avaient peu d'importance ; Numa s'en fichait. Ce qu'il ne supportait pas, c'était le bruit, qui montait, qui montait. Les voix se mélangeaient aux sons des voitures, avalant une partie de ce que le jeune homme lui disait. Il commençait à confondre sa voix avec celles des autres, incapable de saisir toutes les subtilités qui passaient dans ses yeux. Il était plus inquiet des moqueries que des oiseaux. Il ne voulait pas lui rendre son sac ? Pourquoi ?

Numa s'avança vers lui, et sans crier gare, avec un regard vide, il attrapa son sac à dos sèchement. Il le teint contre lui, en dépit de sa main sale. Il se contenta de l'ouvrir, et de prendre des mouchoirs. Il attrapa une bouteille d'eau, et il en déversa le contenu sur sa main. L'attraction était finie, les patients reprenaient progressivement leur route. Seule la petite vieille restait, elle continuait de pester. Numa frotta ses doigts les uns contre les autres, dissipant sous le jet d'eau le plus gros des excréments.

Une fois, on lui en avait jeté dans les cheveux. Depuis, il ne s'en émouvait pas trop.

« C... c-c-c'est... pa... pas... pas... grave... »

Bégaya-t-il. Il détestait parler. Il devait prendre ses médicaments, sinon, il continuerait à être bizarre.

Les moqueries, ce n'était pas grave. Mettre les gens dans des poubelles, ça l'était plus ; il fallait expliquer après ce qu'il s'était passé. Numa ricanait, il tirait avec sa main propre les mèches de ses cheveux. Il détestait la sensation, mais la douleur l'aidait à garder un pied dans la réalité. Son psychiatre parlait « d'autopunition », se rappeler à l'ordre dès qu'un comportement déplacé apparaissait pour apprendre à se contrôler.

Mais d'un coup, Numa laissa son sac tomber au sol. Il rejeta toute son attention sur les oisillons qu'il entendait piailler, détail qui échappait à la plupart des gens. Il était en train de voir les parents-pigeons s'envoler, et un premier bébé parvenir à les suivre. Le deuxième, toutefois, tomba. Mauvais moment, le vent n'était pas opportun. De nouveau, son cerveau s'obséder pour ça, et il oublia le reste, au point de courir d'un coup en bousculant la petite vieille. Il ne prêta pas attention aux insultes, et il se jeta en avant pour rattraper à temps le pigeon. Il sentit une vive douleur dans son genou, mais ses mains tremblantes avaient empêché la chute. Il fixa l'oiseau, ses yeux bougeaient sur tous les détails de son plumage. Comme la maman, il avait une plume colorée perdue dans celles plus grises. L'oisillon piailla, avant de battre des ailes, et de s'envoler définitivement.

« Espèce de petit merdeux. »

Il se contenta de lui sourire, mal à l'aise, et il se redressa. Sa respiration était difficile, son corps tremblait plus fort, alors que de l'extérieur, il semblait aller parfaitement bien. Après tout, sourire signifiait qu'on était content, non ? Pas chez lui.

Numa retourna près du jeune homme, mais il se laissa tomber cette fois-ci au sol. Son pantalon s'était déchiré au niveau du genou, il saignait, mais il ne s'en souciait pas. Il prit un mouchoir, il trempa de l'eau dessus pour continuer de se nettoyer la main pleine d'excréments. Il la sécha ensuite, et il fouilla au fond de son sac pour prendre sa boîte d'anxiolytiques.

« Les... les... les... re-re-re-re...gards... c'est... rien. C'est... qu-qu-quand... on tape... »

Numa ne termina pas sa phrase, il devait se concentrer pour ouvrir la boîte, tellement ses mains tremblaient.
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MessageSujet: Re: art de la langue et du silence   art de la langue et du silence Icon_minitimeDim 15 Déc - 10:24

Tout ceci avait été risible et épuisant, lassant au possible. "Croiser le fer" avec des inconnus sans savoir vivre, essayer de communiquer avec le roux qui lui parlait à peine, trop plongé dans ses propres songes pour lui prêter attention. Nikita sentit de la colère monter en lui au moment où ce dernier reprenait son sac sans un merci. Sa focale restée scotchée à son visage. Il avait essayé de l'aider depuis tout ce temps mais est-ce qu'il avait vraiment fait le bon choix ?

Bientôt et à nouveau, ce n'était plus cet inconnu qu'il voyait mais sa propre faiblesse prise sous la forme d'une personne. Une personne qui lui renvoyait à une autre. Quelqu'un dont il n'aurait pas du se préoccuper. Un frère qu'il croyait avoir effacé de sa mémoire en quittant la Russie. Cette épine depuis son plus jeune age. Dire qu'il avait été jusqu'à oublier ses propres désirs plusieurs années en arrières. Apparemment pourtant rien n'avait changé.

Sa silhouette plus raide que les instants d'avant, son esprit se perdit sur celle du replié, détaillant sans pudeur ses formes et ses plis. Il n'avait pas voulu l'écouter, il ne l'écoutait d'ailleurs pas depuis le début. Son sourire s'était figé dans le ciment de son agacement. Ses doigts s'étaient déployés lentement et il pencha quelque peu la tête, le visage étrange, déconnecté. Les expressions successives du plus jeune le perturbaient, brouillaient ses habitudes de pouvoir se calquer sur autrui et n'étant plus capable de lire en autrui c'était sa façon de garder le contrôle qu'il perdait. Sa faculté d'analyse et de sang-froid. Pourquoi l'inconnu souriait maintenant ? Il était fier. ? Il allait mieux alors qu'est-ce qu'il attendait pour rentrer chez lui ? Il agitait ses petits doigts pour chercher autre chose. De quoi faire passer son angoisse. Ses troubles.

Et si lui aussi faisait pareil ? Il devrait alors le faire disparaitre pour faire disparaitre sa propre faiblesse. Celle-ci même qui réchauffait ses veines de colère et refroidissait la lueur bleuté de ses yeux. Le sang sur son genoux ne l'avait pas alerté plus que ça mais il se demandait s'il ne ferait pas mieux de le prendre à part pout l'emmener plus loin, entre deux ruelles pour libéré son inconnu de sa propre peine.

Déjà son esprit s'était projeté ailleurs, focalisé sur ce nouveau "but". Il y avait pourtant encore quelque chose pour dissocier la réalité de ses images qui lui restaient collées au fond de la rétine, quelque chose pour l'empêcher d'agir. Comment oserait-il faire du mal à quelqu'un qui lui évoquait d'une façon ou d'une autre son frère ? S'il lui faisait du mal à lui, cela voulait dire qu'il serait capable d'en faire à son propre frère. Le sang de son sang. Était-il devenu à ce point mauvais pour être capable de s'en prendre à quelqu'un en état de détresse ? De devenir comme ces gars qu'il venait de voir juste avant ? Bien sur qu'une partie de lui savait cette capacité à franchir le pas, et à ne pas faire preuve d'humanité, c'est bien la raison pour laquelle il n'agissait pas non plus.

Il ne devait pas perdre cette once d'humanité qui logeait dans son torse.

Nikita gronda violemment en se penchant sur lui.

— Tu veux pas être tapé non ?! Alorrrs rrentrre chez toi et évite de donner occasion aux autrres, va derrière une porte loin des gens et loin de moi!


Et si ce n'était pas lui, alors lui même partirait pourvu qu'il ne le croise plus, pour son propre bien à lui et pour le sien.

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MessageSujet: Re: art de la langue et du silence   art de la langue et du silence Icon_minitimeDim 15 Déc - 10:24

Numa était loin de pouvoir décrypter ce qu'il se pensait dans la tête du jeune homme blond. Tout d'abord, il était incapable de détecter les nuances, les micros-expressions, la lueur dans son regard. Les expressions, c'était une langue étrangère particulièrement difficile à apprendre. Ce n'était pas faute d'avoir essayé depuis sa naissance ; on lui avait donné des espèces de cartes, avec des personnages singeant les divers sentiments que les humains pouvaient rencontrer. En dessous était écrite l'émotion correspondant, un sourire ? La joie ? Mais pour lui, sourire n'était pas la joie. Ses lèvres avaient beau s'étirer en coin, tandis que son corps se balançait d'avant en arrière, il n'était pas joyeux. Bien au contraire. Le bruit, les gens, les odeurs, les lumières, autant d'agressions lui donnant la sensation que le monde entier voulaient le happer. Il fallait attendre avec que les médicaments fassent effet. Un petit peu. Cela allait atténuer l'angoisse, mais ne l'aiderait pas à supporter la vie. Alors... quand le jeune homme blond parla, il ne sentit pas la colère ni le dégoût ; il ne le supposa pas. Pour lui, l'intonation de la voix était une musique inconnue, indescriptible, qu'il ne pouvait pas sentir à l'intérieur de son être. Elle se perdait dans la cacophonie ambiante ; il ne la différenciait pas des moteurs de voiture. Il se rapprocha, il parvint à comprendre une partie, mais ce fut tout. C'était frustrant, mais il était usé de vivre avec ça.

Taper. Taper. Taper. Taper. Rentre chez toi. Rentre chez toi. Rentre chez toi. Rentre chez toi.

Numa ne réagit pas, il essayait de saisir les nuances, mais elles n'étaient rien d'autre que des couleurs inexistantes dans sa « bulle ». Il se contenta de rapprocher ses mains sales près de sa joue, les frottant l'une contre elle, alors qu'il continuait de se balancer d'avant en arrière. La stéréotypie était une façon de se raccrocher, de se rassurer, lorsque ce n'était pas une sensation agréable qu'il aimait perdurer par simple plaisir. Ici, situation stressante ? Réaction à l'anxiété en train de remonter. Taper. Taper. Taper. Rentre chez toi. Rentre chez toi. Rentre chez toi. Derrière la porte.

Derrière une porte ? Si c'était aussi simple, Numa devait-il se promener avec une porte devant lui, afin d'éloigner les gens ? Cela marcherait pour sûr ! Mais il ne verrait pas que ce ne serait pas pour la bonne raison. Juste qu'il paraitrait trop bizarre. Une fois, dans une salle d'attente, en voyant le message « prenez un siège », il avait littéralement pris un siège et avait fait tout le voyage en transport avec. Pour lui, c'était plus naturel de prendre une porte pour se cacher derrière, et éloigner les gens que de comprendre la métaphore. Il se rapprocha, un sourire aux lèvres, alors que ses mains continuaient de se frotter l'une sur l'autre ; elles tremblaient. Il attrapa la manche du jeune homme blond pour attirer son attention, et il se saisit de son téléphone portable. Dans l'outil de texte, il commença à écrire. Puisqu'il était nerveux, ça prenait plus de temps qu'à l'accoutumée, mais contrairement à une personne lambda, il écrivait vite. L'habitude. Il était plus à l'aise avec les machines qu'avec les humains. Il savait même coder en ternaire, juste pour le sport. Une fois que son message était tapé — devait-il frapper son téléphone ? — il le montra au jeune homme. La luminosité du téléphone était basse, avec de gros caractères ; d'ailleurs, son téléphone faisait partie de ces produits de luxe que certains se payaient avec l'entièreté de leur salaire. Il ne le regardait pas dans les yeux, la tête tournée de trois quarts ; il avait son visage dans son champ de vision, mais son regard ne s'arrêtait pas directement sur lui. Il semblait « observer derrière lui ». Il avait écrit :

« Tu veux me taper ? J'ai fait quelque chose de mal ? Si c'est le cas, je suis désolé. Tu peux me taper, si tu veux, je ne crierais pas. Il parait que ça fait du bien. »

Numa ne savait pas réagir à la violence par la violence. Il y avait été habitué depuis petit, lorsque sa mère dans ses accès de rage l'agrippait par les vêtements, et le balançait trop près du mur. Il pensait d'ailleurs que l'expression « bercé trop prêt du mur » venait de là, qu'on prenait les enfants et qu'on se balançait près d'un mur en faisant en sorte que leur tête claque contre celui-ci. Plus jeune, quand les petites frappes de son école se mettaient à plusieurs pour l'humilier et le frapper, il n'avait pas réagit. En fait, lorsque quelque chose de désagréable arrivait, il ne réagissait pas ; il attendait que ça passe. Et ça finissait par passer. Il ajouta :

« Je sais que c'est de ma faute. Je sais que c'est de ma faute. »

Alors qu'il bégayait dans un murmure « Cache-toi derrière une porte ».

Sa faute ? Ça l'était toujours. Il n'avait qu'â naître normalement.
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