Le voile dévoilé de ton visage souillé { Pv : Jaaziel }

C'était ce à quoi Jaaziel passait le plus clair de son temps : la nuit, l'alcool, les rencontres, les échanges sales et gras. Faire chier les flics passait un temps, la journée lorsqu'il les croisait, et beugler à tout va faisait bien sur partie de ses soirées. Mais à quand la rébellion ? On lui faisait croire qu'il était encore trop « jeune », trop inexpérimenté, naïf peut-être, alors qu'il était tellement plus que prêt. Mourir pour une cause, pour emmerder son monde, l'enculer avant de se faire sauter, voilà ce qui l'attendait, parce que Miguel lui n'avait pas réussi à aller jusque là et que cet esprit de vengeance semblait empoisonner ses veines.

Alors en attendant Jaaz' apprenait et observait, et quoi de plus vivant qu'une boite populaire en plein centre ville dont la réputation laissait à désirer. Il était maître de sa nuit et se rendait à l'affût de la première connerie à faire pour se donner un coup d'adrénaline sans en assumer les conséquences. Car à chaque fois qu'il merdait, il préférait fuir plutôt que de s'excuser, masque froid et dur qu'il était, il ne portait pas plus de respect à son entourage qu'on pouvait lui en donner s'il ne l'écrasait pas. Et la drogue dans tout ça était aussi un moyen de se détendre pour lui. Parfois, les endroits bondés le rendaient nerveux, tel un chien dangereux trop sollicité, alors qu'il ne les évitait pas pour autant. C'était une raison de se défoncer, petites pilules sur le bout de la langue sans jamais se piquer.

Ce soir, il avait déposé Annibal chez les coyotes puis rejoint Nina et John à l’intérieur en sachant ce qu'ils avaient à lui proposer. Ils étaient un couple d'amis qui comme lui traînaient dans les squats et baraques abandonnées, ainsi ils s'étaient rencontrées. Nina était le cliché de la rockeuse rebelle aux bas troués, punk ou gothique sur les bords, tandis que John était comme Jaaziel celui qui portait les premières fringues qui lui tombaient sous la main, des fringues de rue évidemment, et il complétait son look par une crinière rasée sur les côtés aux dreads rebelles et aussi longues que son bouc. C'était des gens biens selon le clone, même si aux premiers abords ils avaient tout l'air de junkie si peu fréquentables.

En les suivant, il longea les couloirs du bâtiment jusqu'à des endroits où ils n'étaient peut-être pas censé se rendre. Ils finirent par trouver un renfoncement au bout de l'un d'entre eux, plongé dans une lumière bleue et superficielle avec la porte d'un débarras sur le côté.

« Bon j'sais pas c'que ça vaut les gars, Adam m'a dit que c'était pas le même fournisseur »

John sortit de la poche de son pantalon un sachet contenant cinq pilules. Il en fit tomber trois dans la main et les tendit, utilisant ensuite une bière pour faire passer la sienne. Durant l'heure qui suivit les trois squatteurs ne bougèrent pas de là. Leur boisson en main, ils discutèrent et profitèrent d'un lieu isolé pour refaire le monde, même si Nina et son homme étaient bien plus déchaînés et bruyants que Jaaziel à l'instant. Plutôt calme ce soir, il souriait du bon moment passé, plus discret mais non moins répondant. Ils clamèrent, chantèrent, burent et parlèrent de leur entourage, de ces gars qu'ils croisaient aux mêmes endroits et des problèmes qu'ils apprenaient avec. Puis lorsque les étincelles firent leur effet, ils décidèrent qu'il serait plus drôle d'aller faire chier leur vieux monde désormais. De toute façon, ils étaient aussi à court de boisson.

Le couple passa devant et Jaaziel prit le temps d'abandonner son verre dans un coin avant de sortir du renfoncement.

« Hey les mecs hey, ils se sont cru dans une piaule haha ! »

« Allez on pompe ! Une deux une deux ! »

Entendit-il au loin, voix masculine après la féminine, tandis que les rires des deux grandes gueules résonnaient dans toute l'allée. Les voix s'avançant toujours, ils ne s'étaient pas arrêté pour se moquer. Ce n'était que des phrases amusées lancées en passant. Ils s'en fichaient royalement malgré des taquineries faciles.

Mains dans les poches de sa veste à la capuche relevée sur le crâne et sous laquelle il ne portait rien d'autres que quelques bijoux pointus, au milieu du couloir qui subitement lui semblait si robuste de couleurs vives et sombre à la fois, Jaaziel s'avança sans s’intéresser à ce qu'il venait d'entendre. Et pourtant, il ne tarda pas à arriver à la hauteur de deux silhouettes dont une à genoux. Les paupières tombantes, son regard si détaché glissa aussitôt sur celui à sa hauteur. Entre des pas lourds et un temps ralenti, il le reconnu alors.

Cette crinière claire. Ce visage.

Jaaziel était bien trop en pente pour avoir le cœur qui sursaute, et pourtant au fond de lui, sous un être noyé par l'euphorie, il venait d'être profondement perturbé.

Il garda son regard accroché au sien jusqu'à devoir le suivre par dessus son épaule. Il ne s'était pas arrêté, probablement parce qu'il croyait à un hallucination ou qu'il était pas du genre à venir taper la conversation pendant qu'il se faisait sucer. Dans tous les cas il semblerait que le russe l'avait reconnu également, sinon le moment n'aurait jamais paru aussi long que pendant qu'ils se dévisageaient.

Le clone termina de regarder devant lui pour constater que ses pensées étaient aussi flottantes que la drogue pouvait permettre de l'être. Quand il atteignit le bout du passage interminable, le son se chargea néanmoins de l'éveiller brusquement. Comme si tout venait de s'arrêter, il eut l'impression de sortir la tête de l'eau à l'instant même où il revenait dans la salle principale avec la foule face à lui, le bruit, l'air étouffant... les autres présences tout simplement.

Merde, il avait fini par paumer Nina et John. Il se dirigea donc vers le bar.

L'humidité de sa langue le faisait fondre comme du beurre. L'affamait de profondeurs abyssales noyées d’alcool. Ses doigts pressaient sa chevelure et il s'engouffrait un peu plus loin dans sa cavité. Nikita fermait les yeux dans un souffle humide, gagné par des frissons électriques qui traversaient depuis ses reins jusque dans sa nuque. Les va et vient l’aspirent toujours plus loin, que c'est son âme qui plonge plus profond entre ses lèvres, à la recherche de ce confort inégalé qu'il ne trouve nul part ailleurs. Une chaleur totale et vive qui le fait onduler tel un reptile. Avec les bruits de la musique étouffée par les murs et le son de sa respiration lourde.

Sa bouche n'est qu'un long silence entrouvert sur des souffles courts. Ses doigts cherchent leurs appuis. La chaleur lui vrillait le corps, aveuglait ses yeux frappés d'une noirceur abstraite et dans l'échos des pas du palier des présences passagères. Leurs voix raisonnent et leurs sourires railleurs dévisagent sans pudeur le spectacle qu'ils offrent sans parvenir à le détourner. Son regard se pose furtivement sur eux, sa main se fixe plus solidement à la tête qu'elle tient et il pousse un son teinté d'un plaisir souillé, il ne bronche pas. Creuse toujours plus. Habité par son désir, mué par ses instincts. Puis un regard de glace plus clair que le ciel se fixe sur lui. Lui rappelle celui de quelqu'un qu'il connait sans connaitre. Son visage ne se froisse pas mais son esprit grince. Il n’avait pas regardé les comètes mais une super nova d’asphalte glacée. Jupiter ? Ses yeux le suivirent sans broncher, sans cesser. Il était dérangé. Dans ses sensations. Dans son instant.

Il avait ignoré les raillements mais pas ces yeux là, trop prit par son propre plaisir, par la débacle de son désir et de ces opales électriques. Pourquoi avait-il fallut que se soit le sien ? Nikita ne sut pourquoi ce regard -même disparu- continua de le fixer derrière la rétine de ses prunelles. Sa poigne se resserra et les derniers coups de bassins furent plus agités, préoccupés. Il terminait le travail, achevait son voyage pour revenir sur terre, contre ce mur, devant le ténébreux qui récoltait le fruit de son labeur à même sa chair. Parce qu’il y avait eu ces yeux. Nikita n’y était déjà plus, il devait le retrouver. Il devait lui parler. Assez du sexe et de ses plaisirs. Son attention était déjà focalisée ailleurs, posée sur l’épaule de celui qui avait croisé à nouveau sa route dans des circonstances bien peu souhaitables.

Il remonta une main dans la chevelure brune, embrassait les lèvres qui l’avaient gâté avant de glisser quelques mots à son oreille. Il lui intima de venir le retrouver à une certaine heure de la nuit pour l’y rejoindre et terminer ce qu’il venait de faire cesser, lui promettant un moment de plaisir avant de s’esquiver sans plus de considération. La seconde d’après il quittait l'ombre des couloirs pour revenir dans une autre dimension teinte de brouhaha. Pourquoi l’avait-il vu ici ? Jamais il n’aurait du croiser sa route en dehors du champ de cette place qui avait tenu leurs têtes à têtes. Mais avant ça, il alla chercher l’absynthe capable de noyer sa soudaine contrariété, et regagna le bar, l’humeur maussade.

Il repensait à leur dernière entrevue qui avait si mal tournée. Et un sentiment doux-amer lui rappela qu’un verre de blue lagon ne serait pas de trop.

Plongé dans un océan de bruits et de lumières, tous semblait si loin et si proche à la fois. L'air était plus léger, les éléments plus près, éclairés mais de cette façon qui n'était en rien matériel. Jaaziel planait dans un monde de songes et d'émerveillements alors qu'il était accoudé au bar, un verre à la main. Les traits pourtant fermes et le regard plus perçant encore, il se repassait les images de ce visage venu d'un autre univers. Il se replongeait dans des souvenirs lointains pour aller chercher l'agacement que cette bouche lui avait provoqué. Un sentiment étrange aurait alors du alourdir sa poitrine, mais tout était tellement déconnecté que c'était comme s'il s'était mis à observer une vie qui n'était pas la sienne, ce, comme à chaque fois qu'il réagissait comme il l'avait fait d'ailleurs. Jamais il ne comprendrait pourquoi cette rage le rongeait, ni pourquoi elle le faisait exploser ainsi.

Ce soir là, il avait plaqué le blond au sol pour le frapper. Il l'avait poussé et il l'avait écrasé pour le punir. Reportant tous les péchés du monde sur sa gueule d'ange, il avait ensuite failli le violer pour se venger, si peu conscient d'à quel point ça pourrait le détruire ou non.

D'où lui venait cette vie déjà ? Ces images... ces ressentis...

« Et ben, t'es parti loin toi ! » Une jeune femme à sa gauche se mit à rire en se tournant vers lui. « À se demander à quoi tu penses » Elle était plutôt charmante, et Jaaziel n'avait pas l'air sympathique à côté.

Déconcentré, il baissa ses azurs vers elle puis sans sourire il se décolla du bar pour s'éloigner. Il n'avait pas envie de draguer ce soir, c'était à peine s'il se rendait compte qu'elle existait vraiment. Son verre à la main, il fit donc quelques pas le long du comptoir immense jusqu'à croiser la fameuse silhouette, debout à attendre son verre, de façon si détaché du reste de la foule et entièrement visible. Le blond avait l'air tellement vulnérable désormais. Si lumineux et si pur au milieu des filets fantomatiques qui dansaient autour de lui.

« Une pute descendue du ciel » remarqua-t-il tout haut en s'arrêtant à sa hauteur.

L'image d'un ange, pas si angélique que ça. Et lui, lui il se sentait comme le démon écrasé par sa clarté obscène, un monstre incontrôlé.

Était-il seulement réel lui-aussi ?

« J'm'appele Jaaziel »

C'est sous couvert d'une musique claquante, d'une masse de sueurs et d'autres âmes en perdition qu'il venait de le faire, contrairement aux nombreuses fois où ils s'étaient retrouvé loin de tout pour partager philosophie et silence.

Auparavant, ils ne s'étaient jamais présentés.

Son regard bascula pour chercher celui qui l’avait si bien décrit et un sourire sardonique étira ses traits. Il était à nouveau là, surgit du néant. Telle une ombre qui finissait toujours par apparaitre dans le silence nocturne, drapée de ses tourments. Son regard opalescent se détourna. L’allusion l’avait faite sourire presque par automatisme tant elle était courante mais elle l’avait dérangée. Sans doute parce qu’il avait voulu lui éviter cette image dont trop peu l’épargnaient. Une facette qu’il venait de découvrir dans le couloir.

— Dobrii vetcher, ragginbull.

Il n’était pas un ange, sinon qu’une pute qui empruntait son apparence. Le propriétaire des lèvres qui venaient de le dire ignorait à quel point il avait raison. Ce soir il avait tronqué son visage pour un autre, pour chasser le poids de ses épaules plus lourd certains jours. Nik’ s’humecta les lèvres, baissa légèrement le visage en entendant qu’il avait décidé de lui délivrer son prénom, jamais échangé toutes ces fois au bord de l’eau.

— Jaaziel répéta-il plus bas pour se familiariser avec en se tournant enfin vers lui en même temps qu’il recevait son cocktail. Tu viens te rrepentir ? Il argua sans préciser le centre de son sujet, trempant les lèvres dans son verre.

S’il venait de faire une malice à leur dernière entrevue il n’éprouvait aucune colère pour les coups encaissés alors. Le russe avait palpé l’appel de détresse de l’homme depuis leur première rencontre et il s’était plus à revenir le voir toutes les semaines pour ces quelques échanges sans promesses. Pour son âme errante et solitaire. La colère qui avait cédé à leur dernière rencontre avait été le fruit d’un échange que le blond avait poussé trop loin.

— Tu n’es plus venu remarqua-il en le fixant.

Peut-être que cela avait été violent, qu’il avait été blessé et à deux doigts de se forcer un chemin en lui, Nikita n’avait pas aimé le vide laissé par son absence les fois d’après. Pas parce qu’il désirait ardemment retrouver sa présence pourtant agréable mais parce qu’il l’avait prit pour une fuite. Était-il désolé ? Non. Mais il y avait dans ses yeux une sorte de reproche.

— Ce n’est pas là que tu étais censé me retrouver Brat.

Un sourire retroussa ses lèvres, presque désolé, et en même temps vicieux. Il était déjà trop tard pour faire demi-tour n’est-ce pas ? Jaaziel avait l’air de se porter mieux depuis ce fameux soir où il l’avait quitté presque en larmes. Mais cette nuit, c’était lui qu’il ne faudrait pas chercher car sa présence en ces lieux venait de ternir sa soirée d’une façon ou d’une autre. Jaaziel ignorait tout de lui malgré tous ces moments volés à la réalité, aussi appréciables que dramatiques.

Une bulle venait d’éclater et Nik’ n’avait pas besoin de lui demander ce qu’il faisait là pour le savoir. Pour le savoir tous les deux. Il leva son verre dans sa direction et répéta sous un regard perçant.

— À la tienne Jaaziel.

Est-ce que lui-aussi ressentait-il cette attraction ? Est-ce qu'il voyait seulement toutes les ondes et les lumières qui dansaient autour de lui...

Jaaziel ne comprit pas ce qu'il lui dit et il était d'ailleurs trop stone pour avoir capté que c'était du russe. L'accent qui suivit aurait pourtant pu lui mettre la puce à l'oreille, mais il n'en avait rien à faire. Il se laissait étrangement porter par un courant aux milliers de couleurs gravitationnelles, aux vagues qui à la fois le déconnectaient et le rapprochaient de son environnement. Il se sentait bien au final, malgré un visage toujours aussi ferme et inexpressif, bien que les traits plus détendus.

Ça lui changeait de la dernière fois qu'ils s'étaient vus.

Il s'était énervé. Le blond avait émis un avis vis à vis des clones et lui il s'était confié. Comme à l'instant, il s'était présenté, ce qu'il était, et en retour il s'était agacé de sa réalité. Comme à chaque fois que ce genre de chose arrivait, il avait alors failli décharger sa haine contre lui.

Ainsi, aujourd'hui le russe le connaissait tellement plus qu'inversement. Et dire qu'il ne savait pas son nom alors qu'il connaissait par cœur ses opinions et des brides de son passé. Ça avait fait de lui un fantôme dans sa vie, son quotidien auquel il s'arrachait en se rendant au bord de l'eau, à ce rendez-vous qui avait mal tourné. Durant des heures ils étaient restés assis l'un à côté de l'autre à refaire le monde ou à se plonger dans un silence apaisant, ensemble. Ils avaient appris à tirer l'un de l'autre une bouffée d'oxygène plus humaine et rassurante que l'ambiance de la ville, au moins avant que Jaaz' lui confie qu'il n'en était pas un d'humain.

« J'étais occupé »

Il vint trinquer avec lui, levant son verre à son tour, sans jamais détourner le regard. Plus depuis qu'ils se faisaient face.

Le clone prit son temps pour boire sa gorgée. Ils l'avaient après tout, ou en tout cas c'était le sentiment que le wolf avait à chaque fois qu'il se retrouvait à ses côtés. Mais ce soir, ses paroles étaient plus intenses que la musique et sa présence plus imposante que la foule qui les bousculait. Son fantôme était bel et bien là, loin de leur cocon, plongé avec lui dans cet océan de vie qu'ils exécraient tant. En relevant légèrement le menton, face aux non-dits qui s'étaient installés, le drogué étira ses lèvres taillés fines et aiguisées pour subitement se mettre à rire du fond de la gorge. Petites dents serrées, sa voix grave claqua comme les prémices d'un fou rire, or il resta bien plus effrayant en se contentant de cette sourde moquerie. Moon Fangs au sourire de quart de lune, dominait la nuit sous ses allures de hauteur.

« Tu es revenu ? »

Parce que ça l'amusait, à l'instant, d'imaginer que le blond aurait pu lui pardonner. C'était hilarant même, faisant de lui un mystère d'autant plus grand.

« T'as peur de rien c'est ça ? » Il avait déjà compris auparavant. Aucun doute que le jeune était plus vieux d'âme, d’expérience et de responsabilité. « Remarque, il y a pire que moi, sauf si en fait t'avais juste envie d'te faire baiser. Mais vu comment tu domines la pipe dans les couloirs, je doute que ce soit ton genre. »

Sans filtres, il n'avait pas besoin de drogues pour dire les choses. Il termina son verre d'une traite puis il fit quelques pas vers une table haute non loin pour le déposer.

Occupé. C’était vague et désintéressé comme réponse mais le russe ne put retenir son sourire. Parce qu’il y avait difficilement mieux ailleurs qu’au bord de l’eau pour des hommes de leur espèce.

— Peut-être juste pas de toi. fit-il sans lâcher son regard.

Ses peurs, seules ses entrailles les connaissaient. Il aimait entretenir ses mystères comme on entretenait ses parures. Seuls les plus forts pouvaient desceller ses faiblesses et s’en faire maitres. Les autres eux devaient se battre avec leurs crocs, se forcer une place pour grappiller de quoi rassasier leur curiosité. Parce que Nikita donnait tout mais le reprenait aussitôt, offrant au compte goute ses traits, couvert de ses mystères comme d’un lynseul.

Qui sait qu’un jour on lève définitivement ce voile, et quel visage on découvrirait, lui-même ne voulait guère le savoir. Ses yeux s’accrochèrent aux lèvres carnassières comme pour déchiffrer ce que tentait de faire Jaaziel en agissant de la sorte. Est-ce que le sombre de sa gorge serait capable de le faire disparaitre lui ? De le faire oublier ? Son visage se relevait, et la lueur soudaine de son oeil éclipsa le blanc de son sourire.

—Tu peux morrrdre aussi fort que tu veux, j’ai pas peurr de tenir la morsure.

Indirectement il lui faisait comprendre que jamais il ne serait capable de le briser, parce qu’il se méprenait. Nikita tirait sa force de son mystère, et de ses faiblesses. Quand il se noyait dans sa pupille, perdu dans les méandres de son esprit qu’il fouillait de fond en comble. Sous le sourire sec distordu qui affichait sa cruauté, sous l’épaisse couche de chair qui contenait son essence. Il trouvait votre coeur de fragilité. C’était ainsi qu’il était fait. Il dépouillait petit à petit ses proies pour faire disparaitre les barrières de chair, se hissait jusqu’à l’esprit pour s’en nourrir comme un vampire le faisait avec ses proies. Il n’avait pas besoin de dire que Jaaziel serait perdant entre eux, car s’il ne le savait pas encore, il serait forcément amené à le savoir plus tard, et le blond se ferait un plaisir de renverser les rôles.

Si ses intentions s’étaient voulu bonnes envers le clone, plus le temps passait et plus ses désirs âprement récents prenaient le pas, titillant la soif qui sommeillait en lui. Jaaziel l’attisait sans le savoir, attisait le serpent endormi. Le reptile ignorait lui-même ce qu’il lui voulait, mais plus le temps passait, et plus il semblait s’en rapprocher. Sans lâcher du regard le clone, le russe plissa son regard sur son dos en reposant son propre verre.

—Tu l’aurais voulu ? Me baiser ?

Comme ça sur ce sol, sans autre apparat que sa violence. Aurait-il aimé le voir comme il l’avait vu ?

— Tu as raté ta chance c’est trop tard pourrr ça.

Trop tard parce que Nikita ne lui laisserait plus l’occasion de revoir ce visage qu’il lui avait dévoilé. Celui même de sa propre essence. Ils ne devaient plus jamais se retrouver aussi nus qu’ils l’avaient été. Leur âme n’était pas faite pour la peine et la souffrance, mais pour la dévotion et la force, pour un destin sans lendemain.

Le blond était pourtant bien revenu pour admirer le ciel et la vue. Il n'avait pas été surprit de ne pas le revoir, ni déçu, ou peut-être juste un peu. Seulement le temps de se dire qu'il avait fait l'erreur de le pousser à bout, et celle d'être venue tout ce temps, d'avoir laissé déjà trop le temps à une attache de se forger. Il se tourna vers lui et plissa son regard, mécontent, tout à coup irrité.

— Ne soi pas faible.

Ou c'est moi qui te dévorerait.