Escale au blue lagon

À ma sortie de prison je m’étais promis de mener une vie meilleure, d’en finir avec les conneries. Tout comme on prend des bonnes résolutions à la nouvelle année, pleins de bonne volonté. Et pourtant, on sait très bien que la plupart du temps les promesses ne sont pas tenues, elles finissent oubliées dans un passé lointain. Aujourd’hui je me rendais compte que mes espoirs de fonder une nouvelle vie, de prendre un nouveau départ n’étaient qu’illusoires tout comme ces bonnes résolutions de fin d’année. Même si j’avais pensé le devoir au moins à Miguel, à mon fils, même si j’avais sincèrement essayé d’abandonner le passer, ce dernier me rattrapait.

Je le voulais vraiment mais, peu importe comment j’arrivais pas à m’y faire. Ça finissait toujours par me revenir en tête. Même si j’avais des perspectives, des désirs, ils étaient obscurcis par ces pensées noires qui me hantaient depuis ma sortie. Cette rage sourde au fond de mes entrailles ne se calmait pas, avec le temps qui passait, elle continuait de me ronger l’intérieur à un tel point que je ne pouvais plus profiter d’un moment de paix sans me dire que ce n’était qu’un mensonge. Je ne pouvais simplement pas être entièrement heureux. À présent libre et ayant eu tous le loisir de à la façon de me venger en prison, j’avais une nouvelle occasion de régler une bonne foi pour toute cette histoire. Quand se serait fait, Kara reposerait en paix , et.. peut-être que moi aussi.

Une fois sur d’avoir terminé la mission que je m’étais donné, je pourrais peut-être retrouver un semblant de vie normale, reprendre à zéro, faire table rase de tout ce merdier, et enfin goûter à un peu de paix. « Paix » une signification qui m’était elle-même étrangère sur le palais, sans saveur. Mais, si je pouvais finir par rendre heureux mon fils, ne me préoccuper que de son avenir, c’était tout ce qui m’était le plus important. Vous savez quoi ? Du moment qu’il grandirait en paix, avec tout ce qui lui fallait, peu importe quel chemin j’emprunterais parce que tous les moyens sont bons pour lui apporter ce dont il a besoin. Un jour, je ne lui demanderais pas de me pardonner pour ce que je suis, mais j’espérais qu’il comprenne qui j’étais, comment j’en étais arrivé là.

Pour l’heure j’étais bien loin de ces rêves, j’avais des hommes à faire crever, et il était peu probable qu’un miracle se produise. On ne changeait pas un homme comme moi du jour au lendemain. Faire de moi un type bien, quelqu’un de respectable sonnait plus faux qu’autre chose. Quitter ce que j’avais toujours côtoyé, changer de vie aussi radicalement ? Impossible. On ne changeait pas de la fourrure qui nous poussait sur le dos comme ça depuis la naissance. Tout ce que je savais ? C’était que cette terre était trop petite pour que ces crevards la partagent avec moi. C’était eux, ou moi, mais pas les deux. Les savoirs continuer leur petite vie tranquille pendant tout ce temps alors qu’ils m’avaient arraché ma femme aussi facilement me rendait malade. À ce propos je réalisais tout juste que celui que je pistais, du doux nom de « Johnson Berg » vivait une vie de rêve. Ce salopard avait tout pour lui, mais sa seule erreur avait été de toucher celle que j’aimais. Il avait une belle gueule, plutôt mignon, pas très grand, pas trop petit, bien taillé, un métier qui lui rapportait gros, en somme tout ce dont il avait besoin pour être heureux. Il était ma proie, ma future victime et pour ce faire j’avais besoin de connaître sur le bout des doigts quelle genre de vie il menait, quels endroits il côtoyait.

C’était bien ce qui m’avait amené ici, dans ces lieux à personnes au cul bordé de nouilles. Je vous dis pas combien le prix que j’avais payé à l’entrée m’arrachait l’cul, c’était à tomber par terre ! Khor Valdur dans un lieu aussi luxueux c’était comme une tâche sur la moquette, j’avais rien à faire là. Même si je devais avouer que c’était magnifique je ne me sentais pas vraiment à l’aise pour le coup, glissé dans mon shorty. Bon ok, c’était même plutôt beau mais vraiment hors de prix. Tant pis ! Maintenant j’y étais, je n’allais pas lâcher mon homme, je le pistais depuis quelques jours pour me familiariser avec les endroits qu’il avait pour habitude de côtoyer pour mieux cerner le personnage. J’avoue avoir eu du mal à sortir de la cabine, avec mes tatouages et mes cicatrices plutôt monstrueuses –en particulier pour l’une d’entre elles- je ne passais jamais vraiment inaperçu. Silencieux j’avançais d’un pas prudent, le regard vagabondant toujours avec une certaine admiration… Je me mordais les lèvres soufflé par la beauté de l’hôtel et déposait la serviette que j’avais prise sur un transat. Merde il y en a vraiment qui avaient la belle vie ! C’était tellement lumineux, aérien, l’eau pâle clair, les matières utilisées pour les bassins et le carrelage noble.

Tenté de faire demi tour sur le champ je grognais réfléchissant. Soit j’allais l’observer mais j’allais pas resté planté là sans en profiter après le prix que j’avais payé quand même, non pas possible. Je me passais une main dans les cheveux et regardais rapidement les gens déjà présents, observant Johnson qui se dirigeait déjà dans un bassin à bulles. Esquissant une légère moue je me relevais, remarquant alors la présence étonnante d’un bar immergé dans l’eau… Avec quelques clients assis, le verre à la main. Bouche bée, je rouvrais légèrement les lèvres. J’avais jamais vu ça mais je trouvais l’idée géniale. Aussi je me disais que prendre un petit remontant serait pas de refus, et peut-être que je me sentirais moins regardé. C’était comme une paranoïa, dès que je me dévoilais, non pas que j’assumais pas, mais dans un lieu privatisé, il y avait moins de monde, et donc moins de chance de passer inaperçu.

Puis zut, j’en avais rien à secouer qu’on me regarde.

J’allais y aller à ce bar, j’y allais même quand je sentis un jet d’eau froid sur ma peau. Surpris je cessais mon geste pour lancer un regard vers le coupable en question. Mes yeux se posèrent tout droit sur.. Une ancienne connaissance que je mis quelques secondes à reconnaître.

Son nom ne me revint pas immédiatement en mémoire il me fallut creuser un passé que je ne revisitais que trop peu souvent pour retrouver son prénom. Je l’avais sur le bout de la langue et pourtant il refusait de me revenir en mémoire, c’était terriblement frustrant. Sa tignasse noire et ce regard unique on ne l’oubliait pas comme ça et surtout pas quand on savait dans quelles circonstances on s’était connu lui et moi.
Merde merde…
— Wol…frame ?
Ça y est je m’en souvenais !

La voix est hésitante et le regard dévisage en silence, se réapproprie ses formes. Il avait changé depuis qu’on s’était connu ce qui ne m’avait pas vraiment aidé à retrouver son nom. Depuis le temps il avait gagné quelques courbes plus affirmées, un style masculin plus marqué qui lui sciait bien, ça le changeait des premières fois où je l’avais croisé quand j’étais encore dans le proxénétisme.
— Si je m’étais attendu à te recroiser dans un lieu pareil vieux loup.
Un mince sourire me fendit les lèvres tandis que j’approchais de lui pour venir le rejoindre dans un premier temps en glissant mes jambes dans l’eau le cul au bord du bassin.
— Je t’ai à peine reconnu sans tes lunettes, et t’as pas mal changé depuis l’époque.
Je disais bien le mot époque étant donné que ça faisait bien des années qu’on ne s’était plus vu ni l’un, ni l’autre. Faut dire qu’en prison on pouvait pas croiser beaucoup de connaissances à part se rendre visite entre condamnés. Au moins lui y avait échappé.. Enfin je l’espérais pour lui. Néanmoins et malgré mes mots léger je n’en oubliais pas la raison de ma venue, et jetais un regard par dessus mon épaule pour chercher du regard le minot que j’avais du lâcher le temps d’aller vers le bar.
— C’est pas vraiment que je suis pleins aux as tu sais au contraire j’me demande encore ce que je fou là. Ce genre de choses j’ai jamais trop kiffé tu sais bien dans quels genres de milieu je me sens le plus à l’aise. Et toi alors ?
J’avais pas vraiment parlé de moi mais c’était pas tant dans mes habitudes de le faire.
— T’as aussi la belle vie si tu peux te payer un endroit pareil pour te détendre et pour le coup t’as plutôt l’air du type en vacances venu se détendre.

À vrai dire la dernière fois qu’on s’était connu lui était encore escorte boy et moi… moi j’étais toujours ce bon vieux proxénète à qui la vie ne s’était pas encore chargé de rappeler que tout se payait un jour. Ma foi cette idée m’amusait car un ravin nous séparait à présent de ce que nous avions été hier et ce que nous étions aujourd’hui.