Autres rp lllll

L’instant d’anonymat avait été de courte durée.
Évidemment.
Il fallait pas trop en demander hein.

Alors que je me laissais porter dans la vague ambiante, porté par une musique assourdissante je me sentis tout à coup bousculé. Tiré en arrière par deux grands bras venus s’enrouler autour de mon cou. Sursautant derechef, je tournais le visage prêt à découvrir une ombre passée ressurgir.

L’image d’un homme armé venu m’arracher à la vie, me faire céder sous le canon de son arme contre ma tempe, et achever le travail échoué il y a huit ans plus tôt.  L’ombre de ces troubles fait venus m’arracher mon ilot de paradis, mon cocon. Il m’avait fallut le perdre pour m’en rendre compte. Mon ventre se noua l’espace d’un bref instant quand je lançais mon regard en arrière pour tomber dans les pupilles d’un visage tout autre. Bien plus familier aux allures enfantines.

— Andy !!!

Andy mon ami de toujours. Un des seuls à avoir jamais tenté de me faire entendre raison alors que je n’étais qu’une tête brulée. Cette personne sur laquelle j’avais pu compter et qui me l’avait prouvé encore il y a peu après 8 ans sans entrevue. Un homme intelligent sous ses airs légers qu’avait été capable de réussir sa vie, lui et qui ne manquait de rien. Une personne que j’avais toujours envié autant que je le respectais.

Soulagé je me sentis obligé de lui sourire, desserrant ma prise crispée sur ses bras.

— P’tain t’aurais pu me prévenir que c’était toi j’ai grave flippé là.

Je soupirais entre deux souffles. Il ne changeait décidément pas.

— Je savais pas que tu viendrais, ou que tu aimais les concerts.

Je glissais à mon tour un bras autour de son dos décidé à passer un bon moment avec sa personne.

— Je suis content de te voir. Avouais-je à demi-mots avant de me retourner vers la musique pour de nouveau profiter du moment, jusqu’à remarquer l’emballement de la foule excitée par les groupes successifs. À un tel point qu’au final lorsque In this Moment joue Big Bad Wolf la foule s’emballe violemment, amusé je ris de voir autant d’agitation, mais d’un autre côté j’ai pas trop envie de m’y mêler.

— Ca te dit pas qu’on s’écarte avant de s’en prendre une ? J’ai pas trop envie de me faire piétiner.

Ouai il manquerait plus qu’un idiot qui me touche le visage pour que j’ai envie lui rendre. Et j’avais le sang trop chaud pour pas répondre.

Merde. Merde quoi il avait fallut que ce gros tas me barre la route et aille jusqu'à me foutre un coup de coude dans la tempe. Quelques instants seulement j'avais vu des étoiles, aveuglé par la douleur qui fusait sous ma peau, mais j'étais plus fort que ça c'était pas un petit coup de coude qu'allait me faire cracher du sang.

Je râlais.
— Quel con celui là heureusement qu'il a déjà disparut ou je l'aurais remis à sa place..Ouai ca va aller j'ai vécu pire.

Quelques temps passent pendant que je me remettais, éloigné de la foule. Pourtant tout sembla basculer en quelques instants, quand les écrans se mirent à grésiller et que tout sembla partir comme dans un film d'action hollywoodien.

C'était quoi ce délire ? Une voix de fond, une incitation à la haine ? Ça semblait être le cas en affichant ces images de ces connards de NYPD entrain de molester des citoyens et je grognais en serrant le poignet d'Andy. Les paroles de l'écran m'obsédèrent et l'agitation de la foule restée silencieuse pendant quelques instants m’atteignirent de pleins fouet. Je me figeais.

— Andy, qu'est-ce qu'on fait ? Ca va être la merde d'ici quelques minutes, alors soit on fonce dans le tas avec ces gens devenus fou pour faire payer à ces gars de l'ordre tout ce qu'il nous font subir en pétant plus haut que leur cul, soit on se casse.

J'étais partagé, la nouvelle vie que je voulais ne comprenait pas de batailles comme celle qui se profilait ici, mais l'ancien moi criait à l'injustice me grognant de foncer m'en prendre au premier venu. L'adrénaline ne tarda pas à déferler dans mes veines pour exciter mes sens, presque autant en folie que lors du pogo.

Andy fais quelque chose, aide moi ou sinon j'vais partir en vrille c'est plus qu'une question de temps avant que je me faufile au travers les autres pour me joindre à eux. Le taulard en moi gueulait, et le vaux rien des rues aussi.

Ils m'avaient toujours pourris la vie et ils continuaient de le faire. Je me raclais la gorge incapable de me détacher de ce qui se passait, vibrant avec vague qui se soulevait. Mes pensées n'étaient plus qu'un amas de bourdonnements bruyant et dans une pulsion, mon corps s'élança en avant.

Il y avait là une occasion de me venger de toutes les crasses qu'ils m'avaient fait subir, une occasion unique.

La vie était étrange parfois, toujours surprenante. Délirante et pleine de souffrances mais elle regorgeait de surprises. Un inattendu pour lequel Khor n’aurait pas toujours tout risqué. Mais, c’était sans compter sur sa rencontre avec Rafael que tout avait commencé à changer. S’il ne l’avait pas tout de suite remarqué, aujourd’hui c’était toujours avec fierté et satisfaction que ce dernier observait leurs deux gosses jouer ensemble et son désormais copain préparer la bouffe quand il rentrait. Pour un ancien taulard dont la vie avait été particulièrement difficile, pour un homme qui n’aurait jamais parié sur sa capacité à fonder une famille après toutes ces peines et ces souffrances, il peinait à croire à la réalité de ces moments éphémères pourtant précieux. Des moments qui auraient pu paraitre superflus et banals pour certains, mais pas pour lui qui les apprenait. Ces moments il ne les avaient jamais vécu par le passé, il les avaient pourtant imaginé avec la saveur d’un plaisir fantasmé maintes fois, le vivre en vrai ça avait été une toute autre affaire.

Peut-être qu’il vivait un rêve susceptible de s’arrêter à tout moment. Peut-être son rêve se briserait-il une nouvelle fois. Mais maintenant qu’il avait gouté la paix, il ne craignait plus de savoir que demain il la perdrait. Car jamais plus il ne vivrait sans. Un jour lointain, dans cette autre vie ou il aimait la femme de son fils, il avait pensé finir ses jours avec elle. Une autre vie, qu’il n’avait finalement pas réalisé à ses côtés. Pourtant il n’y avait pas un seul jour sans qu’il ne pense à elle. À se sentir coupable de la triste fin qu’elle avait subit par sa faute. Alors, en son nom et en son propre avenir auquel il se devait de penser, il avait décidé cette fois, de tout donner à sa famille. Rafael, Angel, Khai le méritaient eux aussi.

Ça faisait un moment maintenant qu’il y pensait chaque fois qu’il voyait Rafael. À ce désir nouveau et étrange. Celui de pousser les choses pour aller jusqu’au bout de ses actes. Avec son nouveau travail il avait plus d’argent. Et avec cet argent il avait voulu leur payer quelques vacances. Rafael y avait d’ailleurs contribué quand ils avaient choisis ce départ. Une petite plage au bord de la mer, un paysage de rêve et le farniente. Endroit ou les enfants pouvaient jouer ensemble dans le sable et l’eau d’une mer bleu. Loin du bitume de la ville et de son brouhaha. C’était leur premier voyage et l’excitation des gosses avait été contagieuse. Khor s’était sentit pousser des ailes depuis l’aéroport et plus encore quand ils étaient arrivés à destination. Oh ça n’avait pas été sans difficulté d’échapper aux mailles du filet mais ils avaient réussis avec leurs talents de mafieux et leurs faux papiers, à échapper au contrôle des agents.

Il profitait de leurs quelques soirées pour boire avec Rafael, s’amusait de le voir fumer et découvrir les lieux. Un endroit qui lui correspondait si bien finalement. Avec ses origines mexicaines, les fonds de musique le soir venu et les quelques gens qui dansaient des collés serrés, il prenait plaisir à l’observer du coin de l’oeil quoi que toujours un peu hésitant. Oh ça ne se voyait pas, mais il doutait. Il doutait encore de ce qu’il faisait quand il lui attrapa la nuque pour murmurer.

— Ça te dit qu’on dérive jusque la plage toi et moi ? Les enfants dansent, ils ont pas besoin de nous…

Il le voulait, il le voulait vraiment. Un tête à tête cliché devant le soleil couchant comme on en voyait dans les films. Pour voir le visage de son mec teinté des derniers rayons orangés et peut-être pour ce quelque chose qu'il préparait depuis un moment maintenant. Ses doigts s'enroulèrent autour des siens pour décoller du bar et l'entrainer plus loin.

C'était plus que ce qu'il n'aurait pu imaginer. Il avait une famille, à nouveau, construite avec un ex-taulard et ancien meilleur ami de son frère aîné. Le destin fait de drôles de blagues des fois.
Pourtant Rafael ne s'était jamais senti aussi heureux au quotidien. Il en avait délaissé les Wolfs sans jamais être très loin, il s'occupait plus souvent de son fils et son homosexualité semblait être plus ou moins accepté par son entourage. Quand bien même de ça il s'en fichait. Tout ne tournait plus qu'autour de Khor, leurs projets d'avenir et ce bien qu'ils se faisaient l'un à l'autre. Le monde pouvait s'écrouler autour d'eux, ils étaient seuls au monde.

Des mois qu'ils entretenaient sainement cette relation, au point d'avoir prévu ce voyage ensemble. Ils avaient réussi à contourner le mur de sécurité dans lequel s'était plongé New-York depuis plusieurs mois, prétextant un déménagement d'affaire via de faux papiers et pistons bien placés, et même s'ils étaient d'anciens criminels ils avaient finalement réussi à atteindre les plages de La Havane.

Un soleil aveuglant sur les bâtiments aux couleurs improbables et les voitures cubaines d'un autre temps, quand le soir venait, ils se posaient sur une terrasse pour se laisser bercer par les maracas et le rythme entêtant de l'Espagnol, sinon le sable pâle et la mer turquoise les accueillait posément. Tout était plus lent, à l'image d'une vie dont Rafael rêvait, ici ils avaient le droit de prendre leur temps. Même Luis s'était assagi. Collé à longueur de journée à Khai, les deux garçons vivaient aussi leurs aventures entre l'hôtel et la playa. Pas de risque qu'ils se perdent d'ailleurs. Son fils s'était rapidement fait remarquer parmi les autres touristes et voyageurs de passage, dansant justement à l'instant comme une véritable petite star de salsa avec une dame charmée de voir un enfant si vif et éveillé, son panama sur sa tête bouclée le rendant probablement un peu plus adorable. Khai en prenait pour son grade également. Sous l’œil amusé de Raf' qui son rhum à la main les surveillait de loin, le noiraud se faisait tirer de force vers la piste maintenant qu'Angel s'était suffisamment fait voir.

La voix grave de son amant vint au même moment lui chatouiller l'oreille. Malgré le temps passant, il arrivait toujours à lui arracher quelques frissons avec ce genre de proposition. Il tourna le visage vers lui et lui sourit. Sans répondre, il posa donc son verre vide puis il le suivit.

Profiter d'un coucher de soleil avec sa moitié était un cliché qui collait mal aux deux criminels qu'ils étaient, mais c'était là la preuve de tout leurs changements. Ses doigts s'étant dérobés aux siens une fois qu'ils furent en bas de l'escalier qui liait le bar, à demi sur pilotis, à la plage, Rafael marcha silencieusement à ses côtés, son épaule contre la sienne. Sous les premiers rayons orangés, le tacheté le dépassa finalement, les mains dans les poches de son trois-quart, ses tongs dans le sable et sa chemise à fleurs ouverte.

« Je ne te savais pas aussi romantique, mi amor » le taquina-t-il et mentit-il.

Khor était la personne la plus tendre et la plus câline qu'il connaissait, une fois dans l'intimité. Sous ses regards de crooner et son assurance virile face aux autres, il fondait une fois qu'ils étaient seuls et qu'il se laissait aller. C'était du moins comme ça que Rafael avait appris à le connaître, peut-être à l'apprivoiser.

« J'me sens bien ici »

Cette fois-ci il ne mentait pas, il le remerciait pour tout ça. Adouci et apaisé, Raf' sentit un bien-être le bercer au fur et à mesure que le crépuscule se préparait à pointer le bout de son nez.